dimanche 20 octobre 2013

Tanzanie

Souvenirs de Tanzanie - Olduvai

D''abord un peu d'histoire...








et ensuite le contexte:
















mardi 28 juillet 2009

Burqa or not

Il y a incompatibilité radicale de la démocratie ou d'un état de droit avec l'instauration de normes coercitives et très ciblées de port vestimentaire. Personne ne vous demande de porter une burka, tout ce qu'on vous demande c'est d'en tolérer la vue. Que celles qui décident de le porter en aient le choix, c'est une liberté fondamentale que vous piétinez allègrement parce que vous vous révélez incapable d'imaginer que d'autres puissent en émettre le souhait, et ce choix qui n'est pas le votre ne vous concerne pas, ne vous regarde pas, même si vous avez parfaitement le droit d'en avoir une opinion critique, mais ce n'est pas à vous ni à l'Etat de décider des centimètres acceptables d'un bout de tissu qu'une autre que vous décide de porter.

Il faudrait aussi que vous m'expliquiez, dans le cas où le port de la burqa serait imposé par le mari (cas statistiquement rare en Europe ou aux US mais je ne l'exclus pas), comment la victime en serait d'avantage libérée de se retrouver coincée entre 4 murs, ou bien en quoi exclure une gamine voilée de l'école publique lui permettra un plein épanouissement de citoyenne à part entière. C'est quand même un comble que le sujet en chair et en os qui risque d'être la victime finale de votre rigueur normative ne soit même pas évoquée,

Au delà d'une attaque évidente d'un droit fondamental, ce qui me gène dans votre attitude, c'est la posture radicalement xénophobe et raciste qui la soutend, qui n'est qu'un discours de haine, de mépris et de suffisance face à une forme effective d'altérité apparemment insoutenable à vos yeux. Cette curie normative qui vous anime, elle a bien ses racines dans le pétainisme le plus abject toujours à la recherche de l'incompatible ennemi intérieur qui salit la pureté nationale, comme si l'insoutenable diversité n'avait d'autre salut que l'expulsion à laquelle vous aspirez.

Le pire là dedans, c'est que vous ne vous rendez même pas compte que l'antisémitisme qui s'étale à longueur de pages dans des fora adjacents (Youssouf & Co) procède exactement du même rejet de l'autre, du même repli identitaire du gaulois de base, de la même détestation de ce qui n'est pas conforme à un hypothétique moule républicain dans lequel toutes les différences de race ou de culture se seraient évaporées comme par enchantement. Pour aller au bout de ce que je pense, on peut très bien être américain et Juif, ou anglaise et porter une burqa. On ne peut apparemment pas être français et se réclamer Juif, ou être française et porter le voile.

Françaises, Français, encore un effort pour être révolutionnaire…

lundi 22 juin 2009

Ce qui s'est passé avec le "USS Liberty"

Et bien moi je relève le défi sur une année charnière au Moyen Orient, 1967, année curieusement absente de vos pérégrinations historiques. Que s'est-il passé exactement en 1967 avec l'affaire du « USS Liberty » d'après vous ? Je rappelle pour ceux qui ne le sauraient pas, qu'un navire US a été violemment attaqué par des avions et vedettes israeliennes…pour en arriver à un soutien inconditionnel des US à Israel (ce qui n'était pas le cas jusque là).

Le coup de poker de Moshe Dayan est le suivant. Que s'est il passé exactement ? Pour le détail de l'opération militaire, il suffit de rechercher les témoignages US qui, age de la retraite aidant, sont moins verrouillés aujourd'hui qu'hier. En gros, l'attaque par les Israéliens, en toute connaissance de cause, de ce navire espion US au large de ses eaux territoriales mais séparé de la flotte de guerre américaine bien plus au large, alors que la victoire d'Israël était déjà assurée sur le terrain, mais au moment aussi ou les Américains, plutôt neutres jusque là, sous pression russe et embourbés jusqu'au cou au Vietnam, envisageaient de mettre un coup de frein aux appétits expansionnistes d'Israël, alors en pleine action.

Pourquoi Johnson a-t-il fait directement rappeler les avions US partis a la rescousse du USS Liberty sous le feu des Israéliens ? Pourquoi a-t-il laissé mourir ses marins (plusieurs dizaines de victimes) ?

La réponse claire et nette a cette question est celle d'imaginer les titres des News si c'eut été le cas : « WAR » ou autre « US DOWNS ISRAELI PLANES » a la une, pleine page, lettres grasses, suivis d'éditoriaux enflammés sur le bellicisme voire l'antisémitisme de Johnson et de son administration. Ceux-ci agrémentés par de profondes analyses sur la Shoah qui recommence après 25 ans d'interruption, les affinités particulières des US pour le pétrole arabe en parallèle aux commentaires en direct de survivants d'Auschwitz. C'est exactement cet impact médiatique qu'a utilisé Moshe Dayan dans l'évaluation de son rapport de force avec la maison blanche pour forcer un soutien US définitif et inconditionnel, c'est ce qui fait de lui non seulement un grand général mais aussi un homme politique de génie. Il serait complètement simpliste d'y voir là une quelconque mainmise de la presse par le soi-disant lobby, c'est d'un jeu de haute politique dont il est ici question, et le lobby n'est qu'un vecteur dans le jeu de l'échange. Que les Etats-Unis d'Amérique et son président d'alors n'en sortent pas grandis n'est qu'un verrou supplémentaire dans le refoulement général.

Ceci ne regarde que les Américains et les Israéliens me direz vous. Pas tout a fait. Car cela se passait en pleine guerre, deux superpuissances nucléaires étaient opposées l'une à l'autre par belligérants interposés, et rien ne dit qu'un message de secours erroné dans le feu de l'action n'ait pu déclencher la catastrophe globale. Heureusement semble-t-il, les antennes de la CIA à Beyrouth avaient pu enregistrer les messages des pilotes Israéliens que le bateau en détresse ne pouvait plus retransmettre. Mais qu'on ne vienne pas me dire que Moshe Dayan – et ceux qui en ont pris la décision avec lui – n'ont pas joué avec le sort de la planète en poussant le jeu de la Realpolitik a ses extrêmes limites. Mes soucis a propos de Dimona, autre sournoiserie, ont pour fondement ce genre de perspective que les bruits de bottes autour de l'Iran ne font qu'amplifier…

Je préciserai quand même que je soutiens la pérennité de deux états viables dans la région (et sans retour). Si j'ai posté ce qui est ci-dessus qui est un visage pas vraiment réjouissant de l'indéfectible allié des US au proche orient, cela m'aide à me démarquer de votre manichéisme un peu trop simpliste ou les bons sont toujours du même coté.

Dans l'ombre d'un boureau

Pèché sur Rue89 à l'adresse : http://www.rue89.com/2009/06/21/duch-emu-a-lidee-de-la-mort-dun-million-de-cambodgiens


A Phnom Penh, se poursuit le procès de Duch, le responsable du terrible centre d'interrogatoire S-21 sous le règne des Khmers rouges. Nos partenaires du site ka-set.info accomplissent un remarquable travail de couverture, au quotidien, de ce procès fondamental d'un point de vue historique. En voici un exemple, avec l'interrogatoire de l'accusé cette semaine.

Le procès de Dutch retransmis à la télé à Phnom Penh le 6 avril (Chor Sokunthea/Reuters)

(De Phnom Penh) La décision d'écraser les détenus ne lui revenait pas, mais émanait de l'état-major khmer rouge, explique Duch au juge Thou Mony. Cependant, conformément à la ligne du parti, il ne fallait pas tuer les prisonniers avant qu'ils aient fini de rédiger des aveux complets.

Ainsi, son adjoint Hor lui soumettait les noms de ceux qui étaient allés au bout de leurs confessions et Duch prenait la décision de les envoyer à la mort. Quand le juge lui demande s'il a prodigué à son personnel une formation pour leur apprendre à tuer, l'accusé récite un proverbe cambodgien :

« Il n'y a pas besoin d'apprendre à un crocodile à nager, il sait ! »

Appelé à donner plus de détails sur les exécutions, Duch déclare : « J'essayais d'éviter d'assister à ces scènes, je ne regardais pas. » Il sait cependant qu'un enfant a été tué - on lui a fracassé la tête contre un arbre - et son cas n'est sans doute pas une exception, concède-t-il.

En décembre 1978, face à un déferlement de nouveaux prisonniers envoyés à S-21, Oncle Nuon, dit Frère Numéro 2, donne l'ordre de ne pas les interroger mais de les exécuter directement pour éviter une surpopulation carcérale, rapporte-t-il.

A S-21, six détenus seront épargnés, cinq artistes et un dentiste, ainsi qu'une quinzaine de personnes à qui il avait été assigné des tâches :

« Je vois ici Chum Mey [mécanicien, partie civile] dans le prétoire, c'est l'une d'elles. »

Et Duch d'ajouter qu'elles pouvaient à tout moment être envoyées à l'exécution si les supérieurs en donnaient l'ordre. « Pouviez-vous épargner des détenus ? », l'interroge Thou Mony. Réponse de Duch :

« A S-21, et sans doute dans les autres centres de sécurité, les comités directeurs pouvaient prendre la décision de garder des détenus pour qu'ils travaillent au centre. Mais nous conservions le droit de vie ou de mort sur eux. Et nous devions justifier auprès de nos supérieurs pourquoi nous les gardions. »

Des cadavres d'enfants ont été enterrés à S-21 et dans son voisinage, ainsi qu'à Choeung Ek, ce qu'il n'a pas vu de ses yeux, affirme-t-il. Quant au sort réservé aux bébés amenés avec leurs mères, ce fut d'être tués « silencieusement ». Là encore, Duch répète ne pas avoir assisté à de telles scènes, et ignore le nombre d'entre eux à avoir été tués.

L'enterrement des cadavres était la règle, selon lui, à l'exception de ceux des Occidentaux, qui faisaient l'objet d'une crémation, suivant un ordre donné par Pol Pot et transmis par Oncle Nuon, qui les a appelés devant Duch « les gens au long nez ». Il fallait qu'il ne reste rien de leurs dépouilles.

Le transfert des exécutions à Choeung Ek

Duch décide de son propre chef que les exécutions soient menées en périphérie de Phnom Penh, à Choeung Ek, et non plus à S-21. Une initiative dont il ne fera qu'informer ses supérieurs. Les personnes exécutées à l'intérieur de S-21 ou dans la zone jouxtant le centre de sécurité, il y en a eu beaucoup, reconnaît-il :

« J'avais peur des épidémies. Les exécutions et l'enterrement des corps à S-21 commençaient à poser problème tant leur nombre augmentait. La situation devenait telle que nous n'aurions pas pu éviter des épidémies. »

Une décision qu'il prend à un moment où des vagues d'arrestations massives ont lieu, fin décembre 1976-début janvier 1977, et qui répond à des inquiétudes sanitaires, alimentaires et sécuritaires.

Pour emmener à Choeung Ek les prisonniers sans qu'ils se doutent qu'ils avaient rendez-vous avec la mort :

« On leur disait, en général, qu'ils étaient transférés dans une nouvelle maison afin qu'ils soient moins agités et ne fassent pas de bruit ». Cela dit, ils avaient les mains attachées dans le dos et les yeux bandés et n'auraient pas pu s'enfuir. »

De ce qu'il sait car, là encore, il n'a rien vu :

« Je ne me suis rendu qu'une seule fois à Choeung Ek. […] Et je ne me suis pas approché du bord des fosses communes. Ma visite a été très courte. »

Il la compare d'ailleurs à la visite tout aussi éclair conduite à S-21 par son supérieur Son Sen. Et il ajoute n'avoir pas jugé utile d'y retourner. Il ignore ainsi combien de fosses ont été creusées là-bas mais dit savoir que l'on y exécutait les prisonniers un par un. Certes, admet-il, il aurait pu poser des questions au personnel attaché à Choeung Ek pour en savoir davantage, ou plutôt à son adjoint Hor, mais il ne l'a jamais fait.

Des bourreaux expérimentés

Qui opérait à Choeung Ek ? Selon la terminologie communiste de l'époque, détaille l'accusé, il s'agissait d'une « unité spéciale », dont le principal rôle était de jouer les bourreaux :

« Cependant, l'unité en elle-même n'était pas responsable de ces crimes. J'étais pour ainsi dire le père de cette unité. »

Les membres de cette unité combattante, dotés de « bonnes biographies », avaient été transférés à S-21 et étaient reconnus pour être aguerris en matière d'arrestations - ne laissant jamais la possibilité à leurs victimes de leur résister - et pour être prédisposés à tuer, souligne Duch, ajoutant avoir recruté certains d'entre eux pour compléter son équipe d'interrogateurs.

Ceux d'entre eux qui avaient été désignés comme exécutants des basses œuvres étaient exempts de toute sanction, reconnaît-il par ailleurs. Duch dit ne pas avoir été en contact avec eux, ni avoir cherché à l'être, et ne nie pas qu'il suscitait chez eux de la peur.

La pratique de photographier certains cadavres

Outre ceux des détenus soumis à des expérimentations médicales ou à des prélèvements de sang entraînant la mort, la méthode d'exécution suivie était d'égorger puis, marquant un retour à ce qui se faisait à l'ancien centre de sécurité que Duch dirigeait, M-13, d'assommer les ennemis par un coup de bambou asséné derrière la nuque.

Au juge Lavergne qui le questionne, l'accusé fait valoir que si on parlait de méthode, au bout du compte :

« On employait n'importe quelle méthode pour tuer quelqu'un. […] Ce qui comptait, c'est que la personne soit bel et bien morte. »

Et pour prouver que certains détenus, jugés importants, étaient bien passés de vie à trépas, leurs cadavres étaient photographiés, les clichés étant envoyés à l'échelon supérieur qui les réclamait, ajoute Duch. Sur certaines de ces photos, on voit que non seulement leur jugulaire a été tranchée mais qu'ils ont aussi été éviscérés, comme ce fut le cas de Nath, l'ancien directeur de S-21, et de Vorn Vet, l'ancien ministre khmer rouge de l'Industrie, relève-t-il :

« J'ai été très choqué [par ces photos], mes supérieurs aussi. »

Des photos de cadavres de détenus « pas très importants » étaient également prises, cette fois-ci à l'initiative de membres du personnel de S-21, soucieux de témoigner leur loyauté envers le parti en montrant qu'ils n'avaient pas laissé s'échapper les prisonniers sous leur responsabilité. Une manière aussi pour eux de se protéger.

Si Duch a examiné chacune des photos de détenus prises à leur arrivée à S-21 - avec un matricule accolé à leur poitrine -, avant de les envoyer à ses supérieurs, il assure n'avoir jamais regardé celles des cadavres.

Quand le juge Lavergne lit un extrait de témoignage, versé au dossier, selon lequel des cendres humaines auraient servi d'engrais, Duch dit ne pas croire que cela ait pu être le cas, peu de cadavres ayant été de toute façon incinérés selon lui.

La fin de S-21

Les derniers jours de S-21, début janvier 1979, Duch a reçu l'ordre de Nuon Chea d'emmener à Choeung Ek tous les prisonniers. Il réussit seulement à épargner quatre soldats de l'unité Y8 pour pouvoir les interroger :

« J'avais peur, je me disais que mon tour allait venir. J'étais mal à l'aise et n'arrivais pas à travailler. […] En fait, cet ordre ne visait pas à faire de la place pour l'arrivée d'autres prisonniers comme je le pensais. »

Effectivement, comprendra-t-il plus tard, les dirigeants du régime voulaient se débarrasser de tous les détenus de S-21 car ils semblaient croire à une défaite prochaine face aux Vietnamiens. Mais, semble-t-il surpris par l'avancée rapide des troupes ennemies, Nuon Chea et Pol Pot ne prennent aucune mesure préparatoire de retraite. Duch reçoit seulement l'ordre de faire exécuter les quatre membres de l'unité Y8 et de vider les lieux.

Dans sa fuite précipitée, il en oublie les personnes qu'il laisse derrière lui à S-21, notamment celles qu'il avait gardées pour le servir ainsi que les cinq artistes que Pol Pot avait maintenu en vie afin qu'ils construisent un monument à sa gloire au sommet du Wat Phnom, à Phnom Penh.

Se protéger, ne pas voir la réalité

Le juge Lavergne synthétise alors avec efficacité la position de Duch :

« De ce que vous avez dit au cours de ces dernières journées d'audience, il ressort que vous n'aviez aucune volonté de visiter les lieux de détention, que vous ne vouliez ni voir ni entendre les prisonniers, qu'ils soient interrogés ou torturés, et ni le désir de les voir être exécutés, de connaître les méthodes et les lieux où ils étaient exécutés, sauf si vous y étiez contraint, par un ordre de vos supérieurs… »

- « Vous avez bien compris. »

- « Et cette absence de volonté était-elle pour vous protéger vous-même, vous protéger d'une réalité qui vous dérangeait ou d'une situation inconfortable ? »

- « Tout cela est vrai. »

« La ligne du parti a fait des éduqués des criminels »

Quand le magistrat lui demande alors si son travail se résumait à un simple exercice mathématique et à assurer la qualité des confessions, Duch se lance dans un long exposé :

« Oui, j'étais très impliqué dans le travail relatif aux aveux. J'ai essayé de faire de mon mieux, jour et nuit, sans relâche. Mais pendant cette période, j'ai essayé d'éviter les lieux qui pouvaient m'affecter sur le plan émotif. Je savais que des actes criminels étaient commis mais j'essayais de me réconforter. Ce gouvernement [khmer rouge] est responsable aux yeux de l'Histoire. Moi, j'étais un agent de la police et, en tant que tel, je devais m'acquitter de ma tâche.

J'avais peur, j'étais choqué, j'étais ému mais il y avait un sentiment profond qui me faisait continuer à aller de l'avant.

Toutefois, si je regarde ce passé aujourd'hui, et ayant relu les annotations que j'ai portées sur les confessions, je constate que ce que j'ai fait est encore plus criminel que les actes commis par l'unité spéciale qui emmenait les prisonniers à Choeung Ek pour y être exécutés et ce sur ordre de leurs supérieurs.

Quant à moi, j'ai annoté de ma main des aveux, j'ai établi et envoyé des rapports à mes supérieurs. J'ai essayé d'être très objectif dans ces annotations destinées à mes supérieurs qui y ajoutaient foi dans la mesure où cela conduisait à d'autres arrestations. C'est pourquoi je suis responsable des crimes commis à S-21 et que je suis plus responsable que d'autres […].

Mais les documents décrivant la ligne du parti que j'utilisais pour assurer la formation du personnel étaient d'une nature plus criminelle encore que mes annotations des aveux. Pourquoi ? Parce que la ligne du parti telle que diffusée représentait une véritable pression sur les personnes formées ou éduquées et que c'est cette ligne du parti qui a fait de ces gens des criminels ou des personnes cruelles.

Pour conclure, si vous regardez aujourd'hui une photo de moi à l'époque, j'y apparais fier du travail que je faisais, qui était de maintenir fermement la position de classe. Mais, avec le recul et après analyse, je dirais que j'ai honte. C'est choquant, et on ne peut éprouver que de la honte à se voir représenté ainsi en photo, à être responsable de la mort de plus de 10 000 personnes. […]

Je suis ému à l'idée que plus d'un million de Cambodgiens sont morts. […] Je suis émotionnellement responsable de la mort de plus d'un million de personnes et suis responsable de ces actes commis et ce, jusqu'à la fin de mes jours. »

Duch semble submergé par l'émotion et demande au président d'en rester là.

Malheureusement, le président Nil Nonn ne juge pas bon de clore ici l'audience. Et il pose à l'accusé une question dont la réponse, il le sait, implique que Duch évoque à nouveau le professeur Phung Ton, ce qui, la veille, lui avait arraché des sanglots.

« Si j'avais su qu'il [Phung Ton] était là [à S-21], je lui aurais porté assistance même s'il devait plus tard être écrasé. Si j'avais su, je lui aurais porté assistance », répète-t-il, défait, assurant ne pas avoir trahi l'âme de son professeur.

Et Duch ajoute que Phung Ton, dont l'épouse et la fille se sont constituées parties civiles à son procès, est « sans doute » mort de faim ou de maladie, qu'il n'a « pas été torturé », et que son cadavre a « probablement » été enterré dans l'enceinte de S-21. Comme s'il cherchait à offrir quelques paroles apaisantes à ces deux femmes.

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J'en ai presque honte de remercier la présence de cet article tellement sa noirceur est insondable. J'ai lu et su deviner pas mal d'horreurs dans ma vie, mais ici le témoignage est vraiment très fort, c'est à attraper le tournis, remplir des fiches, écraser des têtes de gosse, photographier l'avant et puis l'après, histoire de prouver que le rendement était effectif dans les rapports à la direction, histoire de prouver que toute forme d'humanité avait désormais disparu, la preuve sur papier glacé…

Mais ce qu'il ne faut surtout pas perdre de vue, et même si on ne connait pas leurs noms pour la plupart, c'est que certains ont refusé de collaborer, ils ne se sont pas mués en fonctionnaires de la mort ni en méprisables bourreaux pour sauver leur peau, ils ont d'une manière ou d'une autre dit « non » à cet asservissement bestial de l'homme par l'homme, ils ont refusé la compromission de perdre leur âme pour sauver leurs vies, et ça, Duch, en vie aujourd'hui devant un monceau de cadavres, ne l'a pas fait, il le sait et l'a sur la conscience. D'avoir participé en tant que chef à une des pires abjections de l'Histoire, ce n'est pas peu, et c'est très bien de lui demander des comptes, ca l'aide à savoir qui il regarde dans son miroir chaque matin qui lui est donné à vivre.

Auschwitz, ça, puis le Rwanda, on pourrait espérer une fin à la série.

dimanche 17 août 2008

La responsabilité de la France au Rwanda

La responsabilité de la France est d’être une grande puissance qui a armé, protégé et soutenu un régime génocidaire. Ce qu’on reproche à la France, ce n’est pas d’avoir massacré 800 000 personnes, c’est d’avoir laissé faire alors qu’elle avait les moyens d’intervenir autrement qu’en freinant l’avancée des troupes de Kagame (alors que les massacres étaient en cours).

Exemple pratique : la France n’avait-elle pas les moyens de faire taire « radio Mille Collines » qui exhortait au massacre des « cafards » (= les Tutsis) ? En brouiller la fréquence n’aurait pas couté une seule cartouche, pas une vie Française n’aurait été risquée…

A titre de comparaison sur le thème de la responsabilité: combien en France se retiennent de penser que Sharon ne serait pas responsable du massacre de Shabra et Chatila par les phalanges chrétiennes ( perpétré non loin des forces Israéliennes lors de l’invasion du Liban) ? Ce massacre là n’avait duré qu’une nuit, alors qu’au Rwanda il s’agit de plusieurs semaines et de centaines de milliers de morts. A moins de penser que le renseignement Israelien est infiniment plus performant que le Francais, je ne vois pas comment on peut faire porter la culpabilité aux uns (les Israéliens) et pas aux autres (nous, les Francais).

Qu’est-ce que la R.F avait à gagner ? Il faudrait le demander à Mitterand. A part une conception archaique de gloriole nationale face aux anglo-saxons, je ne vois pas grand-chose, le seul intérêt économique tangible étant la vente d’armes (la R.F est quand même le 4eme exportateur mondial).

D’autres exemples ? Aussi graves je n’en ai fort heureusement pas. On peut quand même songer au fiston Mitterand qui s’est enrichi par la vente d’armes (en Angola notamment, pays ravagé par des enfants soldats, sciemment déshumanisés par le meurtre de leurs propres parents qu’on les obligeait à perpétrer s’ils voulaient survivre). Ou bien à une « oil company » bien tricolore qui a financé les 2 protagonistes opposés d’une guerre civile africaine (Congo, je crois).

Vu d’ici, c’est moins visible que Bush, mais c’est tout aussi immonde.

2 poids 2 mesures

On a très bruyamment évoqué le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, cela a été le fond de commerce idéologique de l’administration US pour justifier le démembrement de l’URSS. Maintenant que les Ossètes du Sud invoquent le même principe, se font bombarder pendant 3 jours par Saakachvili pour avoir oser le rappeler, ça devient tout de suite une incroyable ingérence russe dans les frontières d’un pays internationalement reconnu, une intrusion odieuse dans un problème intérieur georgien. N’y aurait-il pas par hasard 2 poids 2 mesures dans cette attitude ? Ne serait-ce pas là encore un exemple de plus de l’hypocrisie US ?

Et bien pire encore : envahir un pays exsangue après l’avoir aplati sous un déluge de B52s, ce serait aussi une affaire intérieure (US) d’après vous ? N’y aurait-il pas là comme un problème de franchissement de frontière ? Investir des centaines de milliards de $ dans une guerre d’invasion à l’autre bout du monde pour s’approprier la 2eme reserve de petrole, et une trentaine de chars russes qui passent la frontière pour défendre une population qui les réclame, c’est du même ordre d’après vous ?

Moi ça me gênerait beaucoup moins de dénoncer l’impérialisme russe s’il y avait équilibre en la matière. Aujourd’hui, un seul empire au monde dépense au bas mot 2x plus en armement que tous les autres, considère le pétrole du Moyen Orient et d’ailleurs comme sa propriété privée (« stategic interests » ), et n’hésite pas un seul instant à faire la guerre loin, très loin de ses frontières pour s’approprier ce qui ne lui appartient pas. Alors que personne ne leur a rien demandé, après avoir tout fait pour accélérer le démembrement de l’URSS, les US ne trouvent rien de mieux aujourd’hui que de réactiver la crise SS20/Pershing (mais à l’envers cette fois) en voulant à tout prix installer des missiles aux frontières de la Russie (et aux nôtres, dans l’indifférence générale), soi-disant pour contrer le terrorisme, et ce sont les Russes qui seraient responsables de l’escalade et d’un retour à la guerre froide ?

Tout ceci est complètement et totalement inacceptable. Le fait que les US soient une grande démocratie, exemplaire à mes yeux, n’enlève rien au problème sur le fond, qui est celui de la politique extérieure de l’empire américain, largement soutenue par les magnats du pétrole et de l’armement. Evoquer l’absence de démocratie en Russie – aussi regrettable que cela ne fut – ce n’est que de la poudre aux yeux pour justifier des agissements bien pires, il faudrait peut-être mieux ne pas le perdre de vue si on veut garder un minimum de crédibilité dans la critique du despotisme de Poutine et consorts…

jeudi 24 juillet 2008

Pourquoi n'existe-t-il pas d'Obama francais ?

La reponse à la question posée est tellement evidente que presque personne n’ose la formuler clairement : parce que le peuple francais est fondamentalement plus passéiste et conservateur que le peuple americain.

Ce conservatisme là n’a pas grand-chose à avoir avec une éventuelle dichotomie gauche-droite, derrière laquelle certains pourraient etre tentés de dissimuler le problème. C’est quelque chose de beaucoup plus visceral qui est en jeu ici et qui tourne autour de ce qu’est l’identité francaise. Question delicate s’il en est vu qu’au cours de l’histoire la France a objectivement perdu le rang auquel elle aspirait, malgré les gesticulations populistes et en fin de compte complètement futiles des monarques qu’elle a élu pour l’oublier (De Gaulle est le cas le plus flagrant, Petain le plus tragique). Je note en passant que la haine du liberalisme (en France) n’a pas d’autre origine que cette perception d’une grandeur dechue et forcée par sa mise en competition economique.

Les US n’ont pas ce problème là, ils ont construit et continuent de construire leur puissance dans la diversité et la multiplicité des peuples qui les constituent. L’ethique protestante de l’effort individuel et le culte de la liberté n’y sont evidemment pas pour rien (nous on a eu la revocation de l’Edit de Nantes et on croule sous une surabondance de legislations). Mais en aucun cas ils ne peuvent avoir, devant l’adversité, de recour à une grandeur déchue, à l’unité fantasmée d’une race derrière celle d’une nation, ni de refuge dans un hymne qui désire abreuver les sillons de son sol du sang impur qui l'aurait foulé…

Francais, encore un effort pour etre révolutionnaires !